Les règles typographiques
Qui dit textes agréables, dit textes lus !
Pour beaucoup, les questions de typographie se limitent au choix de polices de caractère et de leurs couleurs, leurs graisses et leurs tailles. Mais c’est loin d’être aussi simple car il existe un certain nombre de codes typographiques qu’il convient de respecter afin d'harmoniser vos publications, afin de les rendre plus professionnelles, crédibles et cohérentes.
De plus, au delà de servir efficacement l'identité visuelle de ton projet, l'utilisation de ces règles sera positif pour vos cibles, puisque vous allez nettement améliorer l’accès au contenu grâce à des textes plus fluides et agréables à lire qui faciliteront la compréhension et l’assimilation de l’information.
La bonne largeur de colonnes
Plus la ligne est longue, plus il est difficile de trouver le début de la suivante.
Il existe une multitude de formats et de types de contenus (articles de blog, médias sociaux, pages de magazine, brochures, presse quotidienne, etc.). La bonne largeur est donc variable.
L’idée principale à retenir étant qu’il vaut mieux éviter les blocs de texte qui s’étendent trop dans la largeur, d'un côté à l’autre du document. C’est fatiguant et inconfortable à lire et vous risquez de perdre vos lecteurs en cours de route.
Voici les recommandations générales selon le support :
Support | Caractères (espaces inclus) | Mots approximatifs | Remarques / Confort |
---|---|---|---|
Livre / Rapport / Essai | 50 – 75 | 7 – 11 mots | Pour la lecture longue durée, 60–66 caractères est optimal. |
Magazine / Brochure | 40 – 60 | 6 – 9 mots | Colonnes modérées, bon équilibre entre densité et lisibilité. |
Presse quotidienne | 30 – 50 | 4 – 8 mots | Colonnes étroites — facilite le balayage visuel. |
Laptop | 45 – 75 | 6 – 11 mots | Responsive : viser ~60ch pour un bon confort sur écran. |
Mobile | 30 – 45 | 4 – 7 mots | Petits écrans — préférer des lignes plus courtes. |
Affiche / Présentation / Slide | 20 – 40 | 3 – 6 mots | Impact visuel — privilégier la concision et l’espace. |
Penser aux interlignes
Contribue à améliorer le rendu visuel du document.
Les interlignes sont très utiles car ils permettent au lecteur de mieux distinguer et comprendre les caractères et donc le texte dans sa globalité.
Il faut savoir que la police, sa taille, sa graisse, sa casse, sa fonte ou sa justification peuvent avoir un impact sur l’interlignage. N’hésitez pas à vérifier si l’interligne est bien adapté ou s’il vaut mieux l’ajuster en fonction de la typographie choisie.
La règle veut que l'interlignage soit 2 à 5 points supérieur à la taille de la fonte, ce qui permet un rendu harmonieux et un bon confort de lecture.
Éviter les phrases orphelines et les mots isolés
En typographie française, le terme orpheline est parfois employé de façon générique pour désigner toute ligne isolée, mais la distinction veuve / orpheline reste la plus rigoureuse. En effet, Une orpheline est ligne "perdue" en haut de page, séparée du reste de son paragraphe. Tandis qu'une veuve est une ligne "abandonnée" en bas de page, dont le reste du paragraphe passe à la suivante.
Les mots isolés sont ceux qui se retrouvent seuls en dernière ligne.
Leurs rendus visuels ne sont pas des plus esthétiques, n’hésitez pas à reformuler légèrement vos phrases (en accord avec l'auteur ou votre client) afin d’améliorer la répartition des mots sur les lignes et ainsi créer des blocs de texte mieux équilibrés.
Si vous travaillez sur une zone de texte, vous pouvez aussi ajuster sa largeur ou bien forcer des sauts de ligne pour décaler des mots vers la ligne suivante.
L'image ci-dessous nous montre en exemple ce qu'est une orpheline (1), une veuve (2) et une mot isolé (3).

Respecter la hiérarchie typographique
Une logique de lecture cohérente tout au long du document.
Pour créer des documents harmonieux avec une logique de lecture cohérente permettant au lecteur de garder le fil, vous devez vous soucier de l'aspect des polices de chaque élément texte qui compose votre maquette : le titre, le sous-titre, l'intertitre secondaire, le texte courant, la légende, les notes, le chapeau et la pagination.
La hiérarchie se crée d'abord par la taille, mais aussi ensuite par la mise en gras, la couleur, l’espacement et la police choisie.
L’aspect le plus important reste la cohérence : vous devez toujours garder une logique entre les niveaux et les différentes parties de votre document afin de faciliter la lecture et la compréhension des textes.
Enfin, il vaut mieux peu de niveaux, 3 à 4 maximum, mais bien définis. Pour cela, n'hésitez pas à mettre en place des différences bien marquées en terme de tailles.

N'hésitez pas à travailler vos compositions en utilisant des tailles de typographie bien marquées.
De beaux alignements : en drapeau ou justifié
l’alignement du texte en drapeau ou justifié joue un rôle essentiel pour la lisibilité, la rythmique et le style d’une mise en page.
L'alignement en drapeau
Lorsque le texte est aligné en drapeau, toutes les lignes commencent à la même position à gauche (ou à droite), mais se terminent naturellement selon la longueur des mots. Le bord opposé du texte est donc irrégulier, “en drapeau”.
Le texte en drapeau privilégie un confort de lecture plus naturel (surtout sur écran) car les espacements entre les mots restent réguliers.
Afin que l’apparence du drapeau soit la plus élégante possible, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas trop d’écart entre les différentes longueurs de lignes au sein du bloc de texte.
La justification
Lorsque le texte est justifié à gauche et à droite : chaque ligne occupe toute la largeur du bloc. Le logiciel ajuste l’espacement entre les mots pour que chaque bord soit vertical.
Le texte justifié privilégie l’esthétique du bloc grâce à son effet solide, homogène et soigné, tout en donnant une impression d’ordre et de professionnalisme.
Attention toute fois, la justification peut créer des espaces blancs verticaux appelés rivières (ou fleuves) lorsque les espacements entre les mots sont trop importants. Ces espaces variables nuisent à la régularité visuelle et fatiguent l’œil.
Sur écran ou dans des colonnes étroites, cela devient vite illisible sans bonne césure.

Le même texte aligné à gauche et justifié à gauche et à droite.
Bien doser la mise en avant des textes
Trop de gras tue le gras !
Pour faciliter la lecture et mettre en exergue certaines informations importantes, on est souvent amenés à travailler sur les couleurs, mais surtout la graisse de nos textes.
Même si cela permet de scanner plus rapidement le contenu pour trouver ce que l'on recherche. Il ne faut en revanche pas en abuser au risque d’annuler totalement l’effet recherché.
Ne pas abuser des MAJUSCULES
Notre cerveau a tendance à lire beaucoup plus facilement les minuscules.
Si l’utilisation de majuscules peut être une bonne idée pour mettre en avant un mot, une courte accroche ou certains titres, il ne faut pas en abuser. On écrira rarement tout en texte en courant uniquement en majuscule !
En effet, avec les majuscules qui se positionnent toutes à la même hauteur, il y a moins de relief entre les caractères, ce qui rend la disctinction des caractères plus difficile et donc la lecture moins aisée.
Sans oublier le fait que les textes écrits en majuscules peuvent transmettre un côté plus agressif et distant, évoquant également le langage crié (ou les textos d’une grand-mère qui a un peu de mal avec la technologie).
Respecter les règles de ponctuation
La ponctuation contribue au sens de la phrase.
Tout en apportant du rythme et du souffle à la lecture grâce à des respirations visuelles, elle permet également d'harmoniser la présentation et d'assurer une cohérence avec la charte éditoriale.
La ponctuation suit des règles précises d’espacement, souvent différentes des usages anglais ou informatiques.
Les principales règles typographiques françaises
Signe / Situation | Règle | Exemples / Remarques |
---|---|---|
Virgule , |
Pas d'espace avant — espace normale après. | Bonjour, comment ça va ? |
Point-virgule ; |
Une **espace fine insécable** avant, espace normale après. | Il partira demain ; nous verrons ensuite. |
Deux-points : |
Espace fine insécable avant, espace normale après. | Exemple: une énumération suit. |
Point d'interrogation / d'exclamation ? ! |
Une espace fine insécable avant, espace normale après. En édition éviter l'abus de !. | Comment ça va ? — Bravo ! |
Points de suspension … |
Pas d'espace avant, espace normale après (sauf cas stylistique). Ne pas ajouter un point final supplémentaire. | Je ne sais pas… Et toi ? |
Point final . |
Pas d'espace avant, espace normale après. En titres, habituellement pas de point final. | Fin de phrase. |
Guillemets français « » |
Espaces fines insécables **intérieures** après « et avant » ; utiliser pour citations en français. | « Bonjour », dit-elle. |
Guillemets anglais “ ” |
Utilisés à l'intérieur des guillemets français ou pour des citations en anglais. | « Il a dit “Bonjour” dans la salle. » |
Tirets – — |
Tiret demi-cadratin (–) pour parenthèses internes ; tiret cadratin (—) pour dialogues. Espaces selon charte (souvent fines insécables). | — Bonjour. / Liste – sous-élément. |
Parenthèses ( ) |
Pas d'espace après ouvrante ni avant fermante ; espace normale après la parenthèse fermante si la phrase continue. | (exemple) puis la suite. |
Crochets [ ] |
Même usage que parenthèses pour notes ou interventions dans des citations. | Il a dit [sic] dans le texte. |
Espaces insécables | Empêcher la coupure entre un mot et le signe attaché (ex. : 10 km, 25 %). Utiliser fine insécable avant : ; ? ! » et avant/ après guillemets. | HTML : (insécable) /   (fine insécable). |
Unités & chiffres | Un espace insécable entre le nombre et l'unité : 10 km, 25 %, 5 000 €. | Correct : 12 h 30, 3 250 € |
Césure (hyphenation) | Autoriser la césure automatique en justification pour réduire les gros blancs ; contrôler les césures manuelles pour la qualité. | En PAO : activer hyphenation / en CSS : hyphens: auto; |
Listes & puces | Pas de point final à la fin de chaque item, sauf si l'item est une phrase complète. Cohérence importante. | • Élément court • Élément complet. |
Titres & intertitres | Pas de point final (sauf si phrase). Pas d'espace insécable avant signes, garder cohérence de style. | Titre principal — sans point final |
Dialogues | Introduire chaque réplique par un tiret cadratin (—) en édition littéraire ; pas de guillemets obligatoires. | — Bonjour, dit-elle. |
Abréviations & sigles | Pas d'espace entre les lettres d'un sigle : ONU. Après un sigle suivi d'un point, espace normale. | Dr. Dupont, SNCF, UNESCO |
Ponctuation et justification | En texte justifié, soigner les réglages d'espacement et activer la césure pour éviter rivières et grands blancs. | Ajuster min/opt/max word spacing dans InDesign. |
Raccourcis utiles | Espaces insécables et fines : connaître les raccourcis selon l'outil (Word, InDesign, HTML). | Word: Ctrl+Maj+Espace — HTML: |
L’espace insécable
Une espace insécable (ou non-breaking space) est un caractère d’espacement qui empêche la coupure de ligne entre deux éléments qu’elle sépare.
Autrement dit, le mot et le signe qui suivent restent toujours sur la même ligne.
Exemples d’usage :
- ; : ? ! » (avant les signes doubles de ponctuation)
- 10 km, 5 000 €, 12 h 30 (entre un nombre et son unité)
- M. Dupont, Dr Martin (Entre un prénom et un nom abrégé)
- « Bonjour » (Entre des guillemets français et le texte)
Dans InDesign, veuillez taper Ctrl + Alt + Espace (PC) ou ⌥ + Espace (Mac), pour insérer une espace insécable.
L’espace fine insécable
Une espace fine insécable est une demi-espace, c’est-à-dire plus étroite qu’une espace normale, et non sécable (elle empêche aussi la coupure de ligne).
Elle est utilisée pour affiner la ponctuation française et respecter la microtypographie.
En typographie française, elle s’utilise avant certains signes :
- ; (point-virgule)
- : (deux-points)
- ? (point d’interrogation)
- ! (point d’exclamation)
- » (guillemet fermant)
- et après « (guillemet ouvrant)

A gauche, une phrase sans espace fine, à droite la même phrase avec des espaces fines. La différence est minime mais observez bien le détail du point d'interrogation.